L’Est sauvage

A l’initiative de Patrimoine Nature, plusieurs associations actives dans la protection de la Nature dont le Cercle Royal Marie-Anne Libert ont le plaisir de vous inviter à une conférence consacrée à
L’Est sauvage de la Belgique
Par le Docteur en biologie Frank VASSEN

VENDREDI 7 OCTOBRE à 20h00
Salle du Vivier – Malmundarium
Place du Châtelet à Malmedy

Originaire de Büllingen, Frank Vassen connaît extrêmement bien notre région et proposera un exposé richement illustré autour de la question de la vie sauvage et de la remarquable biodiversité des Cantons de l’Est au niveau de la faune et de la flore.
Actuellement occupé à la Direction générale de l’Environnement à la Commission européenne à Bruxelles, il apportera aussi un regard plus large sur notre petite contrée avec toutes ses spécificités biogéographiques, climatiques, etc…
Son exposé ne manquera pas d’interpeller les naturalistes avertis mais aussi toute personne intéressée par la nature en général !

Originaire de Büllingen, Frank Vassen vit actuellement à Bruxelles où il travaille à la Commission Européenne. Tout en étant au coeur des enjeux européens de conservation de la nature, Frank connaît extrêmement bien le secteur associatif naturaliste de notre région.
Malgré son emploi du temps chargé, Frank est toujours resté accessible et n’hésite jamais à partager son expertise et ses photos.
Bonjour Frank, ton profil LinkedIn indique « Policy Officer at European Commission ». Peux-tu nous expliquer en quoi consiste concrètement ton travail ?

Bonjour Emmanuelle,
Actuellement, je travaille à la Direction Générale de l’Environnement de la Commission, plus précisément dans l’unité « conservation de la nature » qui est en charge du suivi de la bonne mise en oeuvre des directives européennes « habitats » et « oiseaux » dans les pays de l’Union. Moi-même, j’assure le suivi de l’Autriche et de la Flandre, mais j’y ai aussi des fonctions plus horizontales, notamment en lien avec le financement du réseau Natura 2000. L’objectif étant d’assurer que les différents programmes de financement européen, outre leurs appuis aux politiques économiques et sociales, contribuent également aux enjeux environnementaux de l’Europe.
Avec l’aide des administrations nationales des 27 Etats membres, nous avons récemment pu établir une estimation détaillée des besoins financiers pour la conservation du patrimoine naturel européen. Ces données serviront à la programmation budgétaire pour les sept prochaines années. Nous espérons ainsi assurer, dans les différents programmes, une meilleure prise en compte des besoins les plus pressants en matière de restauration et de gestion des espaces naturels.
Plus récemment, j’ai participé également au développement de la nouvelle stratégie de biodiversité que la Commission vient de publier ce 20 mai 2020. Cette toute nouvelle stratégie vise entre autres à une extension et une meilleure gestion des aires protégées, à un meilleur état de conservation des espèces et des habitats protégés, à une restauration  d’écosystèmes qui stockent le carbone atmosphérique et à une agriculture plus durable à l’échelle européenne. Nous verrons dans les mois à venir si les Etats membres sont prêts à suivre la Commission dans ces objectifs !
Originaire des cantons de l’Est, tu en as fait du chemin. De Büllingen à l’Europe, quel parcours formidable ! Quels ont été tes premiers coups de coeur « nature » durant l’enfance ?
Mon intérêt naturaliste a vraiment commencé très tôt. Durant mon enfance, mon père louait un parcours de pêche de plusieurs kilomètres le long du Kolvenderbach, petit ruisseau aux eaux cristallines, dans une des plus belles vallées forestières des cantons de l’Est, où il s’adonnait à la pêche à la truite. En famille, nous passions souvent nos dimanches en forêt où nous pouvions jouer librement. J’en garde des souvenirs  extraordinaires ! Cela m’a permis de découvrir la faune et la flore, et très tôt, j’ai développé un intérêt pour la nature qui ne m’a plus jamais lâché.
Si j’ai fait plus tard, à la fin de mes études de zoologie, une thèse de doctorat sur l’écologie des saumons atlantiques et des truites fario dans le cadre du programme « Meuse – Saumon 2000 », c’est sans aucun doute aussi grâce à cette « imprégnation précoce ».
Engagé très tôt dans les mouvements naturalistes régionaux, peux-tu nous évoquer quelques souvenirs…
Vers l’âge de onze ou douze ans, je m’inscris chez AVES Ostkantone pour rejoindre un groupe de jeunes que l’association venait de créer. Mon
intérêt pour les oiseaux et l’ornithologie s’est développé à cette époque.
Walter Pfeiffer, président AVES à l’époque et communicateur hors pair, a su éveiller une vraie passion pour le sujet chez beaucoup de jeunes du groupe, dont moi-même ! Avec Walter, nous partions en excursion naturaliste, nous construisions des nichoirs en hiver ou nous participions à des campagnes de baguage scientifique, etc. Tragiquement, Walter nous a quittés beaucoup trop tôt, victime d’un cancer foudroyant, mais il a marqué nos esprits et influencé toute une génération en faveur de la protection des oiseaux.
Côté personnalités marquantes, je dois aussi mentionner Peter Junk, mon ancien professeur de biologie, qui très tôt attira mon attention sur la perte de la biodiversité dans les prairies de fauche et autres milieux semi-naturels, dont beaucoup risquaient à l’époque d’être détruites par l’abandon, les plantations d’épicéas, le drainage, la sur-fertilisation ou carrément le remblayage.
C’est à l’époque que nous avons commencé à acheter des terrains pour les préserver en réserves naturelles. Je ne compte pas le nombre de week-ends que nous avons passés, de façon conviviale entre bénévoles, à restaurer ces parcelles avec tronçonneuses et sécateurs. Une période pleine de bons souvenirs !
C’est grâce à la persévérance et la vision de Peter que l’on doit à la fois la création de la section germanophone de Natagora (dont je fus le premier président, alors que Peter assurait la coordination et le secrétariat) et la constitution du vaste réseau de réserves naturelles Natagora dans les cantons de l’Est qui encore aujourd’hui ne cesse de s’agrandir.
Après ton engagement très jeune pour la préservation de la biodiversité, tu décides de faire tienne la citation « Le plus beau des métiers est de vivre de sa passion ».
J’ai sans doute eu beaucoup de chance de ce côté-là… En 1995, alors que mon doctorat touchait à sa fin, je venais d’être embauché chez RNOB Réserves Naturelles pour le tout premier projet LIFE-Nature belge, qui visait la conservation du Râle des genêts. Ce fut une période marquée par la création de nombreuses nouvelles réserves naturelles, cette fois-ci en région de Fagne-Famenne. Depuis lors, je suis très satisfait d’avoir vu récemment à quel point les prairies de fauche protégées et restaurées à l’époque ont encore évolué plus favorablement pour la biodiversité.
En 1999, je reçois une proposition de travailler directement sur le programme LIFE à l’échelle européenne dans le cadre de l’équipe externe « Ecosystems », ce qui impliquait de nombreuses visites de terrain dans les 4 coins de l’Europe. Ce qui m’a frappé à l’époque était de constater que, finalement, nous ne sommes pas seuls. En Europe, de
nombreuses personnes partagent cette même passion pour la nature et pour sa conservation, même s’il faut bien reconnaître que la situation est très différente d’un pays à l’autre.
Nous nous connaissons depuis de nombreuses années et je suis toujours frappée par ton calme et ta positivité. Lorsque l’on connait l’état de la biodiversité en Europe, es-tu réellement optimiste ?
C’est vrai que, si nous regardons la tendance générale du déclin de la biodiversité en Europe mais aussi globalement dans le monde, il n’y a pas beaucoup de raisons de garder l’optimisme.
Toutefois, en y regardant de plus près, je me rends compte tout de même que tout ne va pas si mal. En appliquant les bonnes mesures à une échelle suffisante et si nous réservons un espace suffisant au développement de la nature, il est parfaitement possible de renverser la tendance. C’est ce que l’on constate notamment près de chez nous, dans le cadre des mesures de restauration des fonds de vallées et des landes des plateaux ardennais dans le cadre des projets LIFE, réalisés en partenariat par la DNF, Natagora, le Parc Naturel Hautes Fagnes-Eifel, les Amis de la Fagne et bien sûr par Patrimoine Nature. L’impact positif des mesures prises sur certaines espèces de plantes, de papillons et de libellules rares est désormais bien documenté. Même scénario au niveau des grandes espèces jadis persécutées pour leur viande, leur fourrure ou simplement considérées comme nuisibles. Qui aurait pensé, il y a trente ans, observer
le retour de la Cigogne noire, du Castor ou même du Loup ? Et demain peut-être le retour de la Loutre, du Pygargue ou encore de la Grue cendrée dans les Fagnes ? Je peux l’espérer raisonnablement car toutes ces espèces se portent de mieux en mieux en Europe.
Evidemment, il reste un énorme défi à soulever en matière de biodiversité dans l’espace agricole ouvert où la nature continue encore et toujours à régresser.
Propos recueillis par Emmanuelle Chavet (Patrimoine Nature)